1 voiture.
2 voitures, 3 voitures.
4, 5, 6… peut-être qu’on a l’air de clodos.
7, 8, 9, 10… ça va jamais marcher !
11, 12, 13, 14, 15… est-ce que mon sourire manque de naturel ?
16, 17, 18, 19… je devrais arrêter de compter, c’est pas bon pour le moral.
20, 21, 22.
22 : la 22ème voiture s’arrête.
Euphorie !!
Envolés les doutes et la frustration ; on est les plus chanceux du monde !
« On va au Quiraing ! », nous dit le conducteur enthousiaste.
« Nous aussi !! » tout aussi ravis.
On passe la journée ensemble : on fait connaissance, on marche, on explore, on partage nos pique-niques et en fin d’après-midi, Peter et Kunshan nous déposent de l’autre côté de l’île, à Uig.
C’était en mai 2014, en Écosse.
10 jours sans programme, sans voiture, sans hébergement réservé à l’avance… juste une carte de bus, un sac à dos et une tente.
Ce jour-là sur l’île de Skye, la seule option, c’était le stop.
L’attente (de 5 minutes !) m’avait semblé interminable et le doute insupportable.
Les voitures passaient, les unes après les autres.
Les chauffeurs ne nous regardaient même pas.
Sentiment de rejet.
Inconfort.
Peur d’échouer.
Accepter le rejet
Après cette aventure, j’ai décidé que l’attente, le sentiment de rejet et le doute étaient le prix à payer pour accéder à la magie des rencontres inopinées.
Je n’en ferai plus une affaire personnelle.
A chaque voiture qui m’ignore, je ne me vexe pas ; j’imagine que le conducteur est pressé, qu’il a autre chose en tête, qu’il ne va pas au bon endroit, qu’il est peut-être de mauvaise humeur…
Je ne perds rien. Les bonnes personnes sont pour plus tard.
Ne pas en faire une affaire personnelle vaut dans tous les domaines de la vie : entretien d’embauche, rencontres, amitié, amour, projets, clients…
Quelque chose de mieux va se présenter.
Plus tard.
On ne sait pas quand mais ça viendra !
Garder espoir, garder le sourire et la bonne attitude là, maintenant plutôt que de regarder en arrière.
Par contre, je fais des rencontres une affaire personnelle.
Aucune n’arrive par hasard.
Elle nous mettent sur la voie pour avancer, comprendre quelque chose, recevoir un message ou réaliser nos rêves…
Le stop c’est possible et ça marche !
A mon arrivée en Nouvelle Zélande en septembre 2015, j’ai échangé quelques phrases avec une camarade de dortoir.
C’était la fin de son permis vacances travail et elle venait de remonter toute l’île du sud puis l’île du nord jusqu’à Auckland en auto-stop.
Toute seule.
Wow !
Ca me faisait rêver et en même temps…
Une femme seule, trop dangereux.
Noémie me racontait ses rencontres et comment le dernier chauffeur l’avait emmenée jusqu’au Cap Reinga (la pointe nord) pour qu’elle voie ça avant de quitter le pays.
Je ne me sentais pas (encore) capable de faire pareil mais j’étais si tentée.
Noémie me montrait que c’était possible.
Ce jour-là, une graine avait été semée.
La trouille des débuts
Plusieurs femmes kiwis m’ont dissuadée de faire du stop :
- « La Nouvelle Zélande n’est pas aussi safe qu’on le dit »,
- « Tu ne connais pas la conduite du chauffeur, tu dois considérer le risque d’accident ».
Je repensais à Noémie… Qui croire ?
- Les médias qui ne parlent jamais des trains qui arrivent à l’heure et font leurs choux gras de ceux qui déraillent ?
- Ou celles et ceux qui le font ?
Alors j’ai testé.
J’ai commencé petit. Avec un trajet de 2 heures.
Je connaissais la route et c’est passé comme une lettre à la poste.
3 chauffeurs, 3 fois seule avec un homme et même pas peur.
C’était bientôt Noël et ils me racontaient comment ça se passait en Nouvelle Zélande : plutôt un barbie (barbecue) et des bières à plage qu’un repas au coin de la cheminée.
Après un arrêt à la station essence, l’un d’entre eux revient et m’offre une glace… encourageant, pas vrai ? Ou tu penses du côté de la méfiance ?
J’étais séduite… non pas par le chauffeur (on ne m’achète pas avec une glace, oh !) mais par le mode de transport.
Prise de confiance
Entre 2 hôtes HelpX, pour me rendre au départ d’un sentier de randonnée ou pour revenir à la civilisation après plusieurs jours de rando, je commençais à prendre confiance.
Chaque rencontre me rendait un peu plus accro et chaque matin, avant de démarrer, je craignais que ce soit la fin de ma chance.
Tu peux écouter cet épisode du podcast Croire, c’est voir (anciennement Les Destins Flottants) où je déconstruis cette pensée limitante avec Anaïs.
C’est drôle cette idée que si on a toujours de la chance, alors elle va s’arrêter.
Comme une source qui se tarit.
Comme si on avait un stock de chance à disposition qui s’épuise à mesure qu’on tape dedans.
Dans la conversation, je raconte ma crainte de payer mon excès de chance.
Ils m’opposent que j’ai développé mon intuition et appris à sentir les choses, que c’est moi qui crée ma réalité et aussi ma chance.
Au moment de me déposer, tous prennent ma main et prient pour moi.
I don’t push it too much
Je ne pousse pas le bouchon trop loin (Maurice).
Je connais mes limites et j’ai mes règles !
- Je porte toujours un pantalon.
- Je ne fais du stop qu’en plein jour.
- Si je suis bloquée, je trouve une alternative comme un bus ou un logement.
- Si je ne sens pas le chauffeur, je décline.
Une fois une voiture s’arrête avec 2 hommes à son bord en train de fumer et boire une bière : « Kaikoura ? »
C’était ma destination et pourtant, j’ai répondu « Ah non, alors je suis du mauvais côté de la route. Merci beaucoup de vous être arrêtés, très bonne fin de journée ».
Ça m’est venu tout seul.
La profondeur du voyage
Cet automne en Écosse, à 2 bus près, on s’est déplacés uniquement en stop et à pied.
Pareil pour faire le tour de l’Irlande il y a 2 ans : 56 conducteurs et 2 bus en 2,5 mois.
On a eu une majorité de conducteurs écossais qui ont été d’excellents guides.
Ils nous ont parlé de leur village, de leur île, de leur métier, de leurs aventures, de leur histoire(s) d’amour, de leur deuil.
Ils nous ont raconté l’histoire des lieux, les guerres de clans, les clearances, les crofters ou nous ont montré le système hydroélectrique souterrain.
On a aussi rencontré les immigrés : des Anglais, une Irlandaise, mais aussi un Indien qui gère une dizaine d’hôtels ou un Roumain qui plante des arbres.
En Irlande, on avait rencontré un Hollandais. Tombé amoureux du pays pendant des vacances, il avait décidé de s’y installer. Comme il était cuisinier, il n’a pas eu de difficultés à trouver un travail. Et après plusieurs années à vivre à un rythme effréné, à mal manger (trop vite, aux mauvaises heures) et à ne pas voir le jour, il a décidé de changer. Il est devenu livreur de médicaments. C’est dans son fourgon qu’il nous a transportés et raconté comme il aime contempler chaque jour ces paysages pour lesquels il a eu le coup de foudre.
Avec le stop, on découvre le territoire sous plusieurs prismes.
Sur une île aussi touristique que Skye, la majorité des chauffeurs sont des couples ou des amis en vacances : Français, Suisses, Thaïlandais (une première !), Indiens (qui vivent en Californie).
On les retrouve quelques jours plus tard. Ils s’arrêtent pour nous saluer et nous raconter ce qu’ils ont découvert, aimé ou nous dire au revoir parce qu’ils sont sur le retour.
Autostop et confessionnal
J’adore quand le conducteur ou la conductrice est seul-e.
Il y a ce côté confessionnal que décrit Jo Bennett. Cet Anglais installé en Nouvelle Zélande depuis 10 ans choisit d’en faire le tour en stop et décider au terme de ses explorations s’il va y rester plus longtemps ou rentrer en Angleterre.
Il raconte son voyage dans A Land of Two Halves et a raison dans le fait que chacun a le regard rivé vers la route qui défile et ne se sent pas jugé.
Les rencontres me paraissent extrêmement honnêtes (Jo Bennett s’amuse parfois à s’inventer une autre identité).
Ce qui est dit dans l’habitacle reste dans l’habitacle, pas de connaissances communes à qui en révéler la teneur.
Le temps du voyage, a profondément fait écho à la philosophie du voyage que j’ai développée au fil des années.
Outre l’éloge de l’étape et des rencontres, Patrick Manoukian explique qu’il applique au quotidien la technique des gangs violents qu’il a fréquentés au Brésil :
- Si je regarde quelqu’un dans les yeux, je risque de le provoquer.
- Si je m’assois à côté de quelqu’un au lieu de m’installer en face, la conversation relèvera moins de la confrontation, aucun de nous ne cherchera à prendre le dessus sur l’autre. La qualité de l’écoute sera bien meilleure…
« Je préfère l’étape au parcours et j’aime laisser mes étapes se construire autour de rencontres inattendues que le temps favorise.
Mes petites astuces pour y parvenir sont simples : si vous le pouvez, ne laissez pas l’échéance du voyage déterminer vos étapes et ne préparez l’étape suivante que si le désir de quitter la précédente s’impose doucement à vous.
Prenez l’habitude de vous asseoir à côté des gens plutôt qu’en face d’eux, faites vôtres certaines de leurs préférences et défendez-les avec eux, apprenez quelques gestes quotidiens à partager en toute complicité, choisissez de vivre des rencontres plutôt que de voir des choses…
La nonchalance fera le reste, qui n’est ni un désintérêt, ni une paresse, mais la démarche élégante et naturelle d’un voyageur qui se sait un étranger qui passe. »Patrick Manoukian, Le temps du voyage
Peur ou confiance
Mes grands-parents avaient coutume de dire que 2 sentiments s’opposent toujours : l’amour et la peur.
Quand je remplace amour par confiance, je me dis que confiance et peur ne sont pas ennemies.
La peur est un bon indicateur… mais pas dans le sens que tu imagines.
J’avais peur de faire du stop et c’est devenu mon mode de transport préféré, l’un des ingrédients qui rend mes voyages plus savoureux.
J’avais peur d’aller vivre avec des inconnus et j’ai fait des rencontres incroyables qui m’ont profondément nourrie, voire chamboulée.
J’avais peur de traverser l’Atlantique. Ça me paraissait être une idée bien trop farfelue.
Les doutes ne m’ont pas épargnée pour le Sun Trip Tour non plus et nul doute que je passerai aussi par cette phase pour l’écriture de mon livre et le Pacific Crest Trail.
Et si ce qui nous paraît trop fou ou trop éloigné de notre zone de confort était en fait ce qui nous appelle ?
Ça te parle ?
CADEAU
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Je te fais de grosses bises
Tontonton
Super. Très belle philosophie de voyage en stop. Très beau texte de Manoukian que je découvre (je suis nul en bouquins de voyages).
Petite remarque: la photo de toi sur la route donne l’illusion que tu lévites au dessus du macadam. Sans doute à cause de la tache sombre au dessous qui fait penser à une ombre. Je ne sais pas si c’était à dessein mais c’est chouette !
En espérant vous voir un de ces quatre !
Absolument pas fait exprès pour la lévitation.
Notre hôte HelpX nous avait déposés là. On a tout juste au le temps de prendre la photo qu’un conducteur s’arrêtait pour nous !
J’ai récupéré le bouquin. Je te le passe à l’occasion :-)
mais non Perrine lévite bien, elle a ce don étonnant…. mais ne peut pas tout le temps le faire car cela demande beaucoup d’énergie et de concentration… Je prends le droit de te taquiner en te souhaitant un bon voyage
Et je fais même l’éviter l’eau de mouiller notre tente en cas d’attaque de sprinkler sournoise et nocturne ;-)
Tu as vraiment l’art de raconter et de te raconter dans cette aventure qu’est le stop, et quelle aisance, quelle facilité pour toi.
Oui la confiance fait aller toujours plus loin, se dépasser…
La lévitation te convient très bien également… c’est très beau… et belle photo. Toutes belles d’ailleurs.
Au plaisir de te lire à nouveau, et bonne continuation, bonne chance, bonne aventure…
Bises à toi et à Nate.
Christian et Lulu
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