Après la longue étape vers Divonne et une journée ensoleillée qui nous a menés à Chamonix en excellente compagnie, on commence à avoir des jambes.
On les sent dès qu’on se baisse pour atteindre nos valises.
Oui, nos valises : après des années à voyager sac sur le dos (ou bien rangés dans des voiliers), on a changé de camp… et d’ailleurs, on n’est pas les seuls, Ryan et Rain aussi ont installé leurs valises sur le vélo en bambou de Ryan.
Mais je m’éloigne…
En cette matinée du 8ème jour, on a déjà 855 km dans les pattes (955 km depuis Saint Étienne) et devant nous s’offrent les Alpes.
C’est l’heure de vérité car des cols du niveau du Tour de France sont à portée de nos pédales (et mollets) !
Bilan du jour 8
- ensoleillement : 70%
- kilomètres parcourus : 99 km
- charge solaire : 1510 Wh
- consommation : 1285 Wh (13 Wh/km)
- cols montés : 2
- dénivelé total : 3400 m
- baignade : non
- nuit sous la tente : oui
- insectes avalés : zéro
- ours aperçus : toujours pas !
Itinéraire
Chamonix – Saint Gervais les Bains – Megève – Notre Dame de Bellecombe – Col des Saisies (1657 m) – Hauteluce – Belfort – Col de Méraillet (1605 m) – Chalet de Roselend.
Vecolo à la rescousse
En plus des super participants, nous avons de super organisateurs, super bénévoles, une super équipe photo/vidéo et une géniale asso. Je veux parler de l’association Vecolo déjà mentionnée ici pour les suggestions d’itinéraire.
Sur le Sun Trip Tour, Vecolo c’est :
- Des suggestions d’itinéraire étape par étape que l’on peut télécharger sur le site du Sun Trip,
- 6 héliocyclistes qui roulent avec nous,
- 1 atelier mobile !
Le camion « atelier mobile et participatif » nous accueille tous les jours en des lieux et horaires précis sur la route et aussi à l’arrivée.
A bord du camion, il y a Gilbert et Jean.
La veille, Gilbert m’a proposé de régler mes braquets avant le départ de Chamonix : « il y en a pour 20 minutes, pas plus ».
En fait, ajuster mes braquets relève de la galère.
Nate s’y est déjà cassé les dents car depuis ma chute sur gravier, dérailleurs, butées, tout est de traviole et je ne peux pas aller chercher les plus petits pignons en combinaison avec le grand plateau (je n’ai pas essayé en combinaison avec le petit plateau car croiser c’est sacrilège voyons !)
Gilbert bataille, Joseph essaie aussi.
Je retrouve l’usage des petits pignons mais la butée du grand plateau laisse parfois échapper la chaîne.
D’après Gilbert, une partie du problème vient de la chaîne.
En effet, 20 km après avoir quitté Vulcania, surprise par une côte en embuscade derrière un bosquet et un virage, j’ai rétrogradé trop vite et trop fort et le maillon rapide a cédé.
Ma chaîne gisait sur le bitume telle un pauvre serpent sans vie.
Rien d’insurmontable car j’avais un maillon rapide de rechange mais c’est vrai que ma chaîne est fatiguée et molle, elle ne répond donc pas au doigt et à l’œil.
J’en trouve une et on l’installe.
Il est bientôt 10h, l’heure du départ.
A l’assaut des cols alpins
Les plus ambitieux vont passer par les cols de La Forclaz (où j’ai testé mes premiers pneus neige quand je travaillais à Martigny… et cassé des chaînes à neige quelques années plus tard, décidément les chaînes et moi !), le Grand Saint Bernard et le Petit Saint Bernard.
Voilà qui ne fait pas peur aux compétiteurs pour le titre de meilleur grimpeur dont Michel avec qui nous sommes montés à Chamonix la veille.
Je regrette de ne pas avoir les jambes et la capacité de batterie nécessaires pour refaire une incursion en Suisse.
Mais pas le temps de s’arrêter chez les copains, on est attendus le lendemain à Lanslebourg Mont Cenis.
L’immense majorité des participants se dirige vers le col des Saisies, le Cormet de Roselend et le col de l’Iseran.
Problèmes techniques
Voilà une semaine que l’on roule et les machines sont mises à l’épreuve.
- Venu depuis la Normandie avec son tricycle, Fabrice a dû abandonner sur la 3ème étape.
- Laurent avec qui on a passé une partie de la journée précédente doit abandonner à cause d’une surchauffe moteur.
- Après presque 3 000 km de prologue, Stéphane enchaîne les difficultés.
- Laurent et Corentin sont en plein doute et recherchent une jante renforcée pour leur tandem car ils ne cessent de perdre des rayons à l’arrière.
Chamonix : la Mecque du vélo en été me diras-tu ?
Oui, il y a des loueurs partout… Mais les magasins de sport ou de cycle ont peu de choix.
Un cycliste rencontré en centre-ville appelle son vélociste pour dépanner Laurent et Corentin, sans résultat.
Nate trouve des patins mais pas de plaquettes de freins pour moi.
C’est plus prudent avec les dénivelés qui nous attendent mais j’ai confiance : mes plaquettes sont peu usées et on régénère dans les descentes.
La régénération, c’est la botte secrète du moteur-roue : grâce à une manette de frein spéciale, on récupère l’énergie perdue au freinage.
On peut même ajuster le niveau de régénération souhaité.
Le prix à payer, c’est le poids : notre moteur pèse 6,5 kg au lieu de 4 kg environ pour un moteur-pédalier.
Descente de Chamonix, maudits braquets
Après plusieurs magasins de cycle, nous revoici sur la route empruntée la veille.
C’est calme, paisible et superbe.
Je peux enfin monter jusqu’au grand plateau/petit pignon, quel régal.
Régal de courte durée, dans la descente de Servoz, je déraille.
La chaîne passe par-dessus la butée du grand plateau.
Nate m’attend un peu plus bas, en train de discuter avec Jérémy, devant chez lui.
Jérémy a travaillé dans le cycle et me propose de regarder les réglages.
A ce moment-là surgit Stéphane qui lui aussi a fait la tournée des vélocistes.
Jérémy raccourcit ma chaîne et trafique un peu les butées, la longueur des câbles… sans véritable miracle mais on passe un très bon moment à discuter avec lui et Hélène.
Col des Saisies
Et puis on se remet en selle, on poursuit la descente avant d’attaquer la montée de Megève.
Puis le col des Saisies avec un arrêt pique-nique au milieu.
On voit passer Alain et Jean-Marie.
On discute avec les riverains dont un père et ses ados très intéressés…
La montée aux Saisies c’est 747 m de dénivelé sur 15 km à 5% en moyenne (10,8% max).
Malgré quelques nuages, il fait beau, les panneaux font du bon boulot.
Au sommet, on retrouve Bertrand qui vient de nous doubler avec son vélomobile et aussi l’équipe EDF, Jean-Marie et Alain.
On ne s’attarde pas, on poursuit dans le Beaufortin et c’est splendide.
A un croisement, on est rattrapés par Bertrand qui décide d’aller chercher un petit col supplémentaire.
On met le cap vers Hauteluce et avant Beaufort, on s’engouffre dans des gorges étroites.
On est entre des murs…
Cormet de Roselend… mission impossible ?
On est à l’ombre, les nuages ont pris le dessus et voilà que démarre l’ascension vers le Cormet de Roselend : 19 km de montée constante, 1227 m de dénivelé, des pentes à 6% en moyenne et jusqu’à 9,6%.
Si l’avantage avec nos moteurs, c’est de pouvoir régénérer au freinage, l’inconvénient c’est le couple.
Le moteur demande un minimum de 15 km ; en deçà, notre énergie musculaire part en fumée et le moteur chauffe.
Je ne vois pas ma vitesse au compteur (séquelle des complications techniques avant départ) et j’ai une forte tendance à jouer les fourmis. J’économise le plus possible.
Dans la montée, j’ai le temps de calculer : 15 km/h pendant 19 km à 600 Wh/km de moyenne avec des batteries d’une capacité de 672 Wh et qui ne sont pas pleines.
Non, on ne tiendra pas la distance…
Quelques minutes plus tard, la batterie de Nate lâche.
Pousser ou espérer recharger ?
Nate pousse.
Je me remets en route (800 Wh pour redémarrer) et au lacet suivant, c’est ma batterie qui déclare forfait.
Je n’ai vraiment pas envie de pousser !!
Je trouve un endroit à peu près plat pour garer le vélo et orienter les panneaux.
C’est mort, je ne capte pas plus de 40 Wh.
Alors quoi ? Planter la tente ?
Impossible.
Il n’y a pas de bas-côté… et tout est en pente !
On étudie la carte, il ne reste que 2 lacets jusqu’au barrage (col de Méraillet). Alors oui, on va pousser !
On a paramétré une puissance mini de 40 Wh qui permet de compenser le poids du vélo chargé. 40 Wh, la batterie consent à nous le donner.
N’empêche que vue la pente, il faut encore pousser et se cogner les mollets avec l’attaque l’attache de la remorque.
Je passe un lacet, je pousse de plus belle et m’arrête reprendre mon souffle et observer le ciel… et la vue.
Sur le bas-côté, des fleurs sauvages, dont une marguerite.
Je n’en avais pas encore vu en roulant. J’ai une pensée chaleureuse pour ma grand-mère Marguerite.
Je repars.
Une vingtaine de mètres plus loin, je m’arrête. Encore une marguerite !
Alors j’entends la voix de Jean-Marie : « tu as une ficelle ? »
Alain et Jean-Marie viennent de me rattraper.
« Non, je n’ai pas de ficelle, pour quoi faire ? »
« Je vais te tracter. Alain, t’as pas une ficelle ? »
Jean-Marie a tout réfléchi : il attache la sangle autour de l’arrière de son tricycle et moi je maintiens l’autre bout sur mon guidon, après 2 tours autour de la potence. En cas de déséquilibre, je lâcherai.
« Tu es prête à pédaler ? »
Et nous voilà partis.
Je trouve l’équilibre en pédalant avec grand enthousiasme et en ricanant (je remercie aussi « May », ma grand-mère Marguerite).
On dépasse Nate qui pousse, toujours constant dans l’effort.
Au lacet, je cesse de pédaler… et nous voilà déjà au barrage ou col du Méraillet !!
Merveilleux accueil au Chalet de Roselend
Jean-Marie et Alain prennent la dernière chambre au chalet.
C’est une demi-pension mais nous sommes autorisés à dîner avec eux, planter la tente à proximité et recharger nos batteries au secteur.
Merci Joëlle, Nicolas et Françoise :-)
Nous passons une excellente soirée avec nos amis/sauveteurs.
>> Demain, l’objectif, c’est le col de l’Iseran, le plus haut col routier alpin à 2770 m.
Il y a 48 km de montée et 1955 m de dénivelé positif depuis Bourg Saint Maurice (de l’autre côté du Cormet de Roselend) >> Par ici pour découvrir le prochain épisode !
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