Le chemin le plus court…

Il y a quelques années, j’ai accueilli un total inconnu chez moi. Niklas, un Suédois qui vivait en Belgique et prenait une année sabbatique pour passer 6 mois en Europe et 6 mois en Amérique Latine.

Il avait choisi de voyager à vélo et pour l’hébergement, il avait une tente ou utilisait Couchsurfing.

Couchsurfing est une plateforme qui permet aux voyageurs de trouver des hôtes qui offrent gratuitement de surfer une ou plusieurs nuits sur leur couch, leur canapé.

Niklas et son vélo avaient d’abord pris le train de Bruxelles à Narbonne. Et c’est le long du Canal du Midi que le voyage avait véritablement démarré.

Stories on the road

En route vers la Dune du Pyla, il venait de traverser la Chalosse où il avait rencontré des familles qui travaillaient dans l’industrie du meuble. L’une après l’autre, les sociétés avaient délocalisé leur production… il mesurait les mutations d’un territoire et ressentait la détresse de ses habitants bien mieux qu’un journaliste trop pressé ou peu objectif ne pourrait jamais le faire.

Niklas a commencé à collectionner les histoires des personnes qu’il rencontrait et à les partager sur Internet sous le nom Stories on the road.

Les voyageurs sont d’autant plus sensibles aux histoires que les personnes qu’ils rencontrent se confient facilement sur des sujets intimes parfois difficiles à partager avec des personnes trop proches.

Confessions intimes…

Le voyageur est le confident idéal car c’est un individu neutre, non jugeant et de passage.

Depuis ma rencontre avec Niklas, j’ai moi-même pris la route et rencontré des femmes et des hommes qui m’ont raconté l’infidélité d’un mari, le suicide d’une mère, le décès prématuré de leur fille, les abus sexuels subis pendant l’enfance, la prise en charge en hôpital psychiatrique d’une épouse, un passé de toxicomane et/ou de criminel…

Le voyageur développe autant sa connaissance des territoires que la compréhension de ses frères humains.

Si je prends rarement des photos des personnes que j’ai rencontrées, c’est peut-être par pudeur. Comme pour garantir ce secret, cet anonymat de la confidence offerte…

… et belles histoires

Pourtant les histoires et les parcours de vie des uns et des autres méritent d’être partagés.

Aujourd’hui ce n’est pas une confession intime que j’ai envie de rapporter mais une histoire que je voudrais que deux personnes rencontrées à quelques jours d’intervalle puissent raconter l’une à l’autre..

À ma gauche, Lionel

Sur le retour du Sun Trip Tour, Lionel nous a accueillis et est allé chez le voisin récupérer le poste à souder dont on avait besoin pour réparer la remorque de Nate.

Lionel a la trentaine et nous a tout de suite demandé si on venait de l’école de mines avec nos vélos futuristes, si on était ingénieurs, ou quel travail on faisait…

Heureux d’enfin quitter les embouteillages et une grosse société, il venait de rentrer au pays mais ça ne l’a pas fait avec son nouvel employeur.

Alors Lionel n’a aucune envie de faire le chemin inverse et risquer un nouveau burn out.
Sa vie était sur des rails : un salaire confortable, un cadre de vie agréable et bientôt un projet d’enfant avec sa compagne…

C’est difficile de remettre tout en question et l’histoire de Lionel m’a profondément touchée car I’ve been there comme disent les Américains, je suis passée par là moi aussi.

J’ai dit à Lionel que parfois, le chemin le plus court vers un but n’est pas la ligne droite.

Et hier, nous en avons eu une belle illustration…

À ma droite, Bruno

Hier, Nate et moi avons passé la nuit dans un camping fantôme, un camping qui a été fermé faute de repreneur.

Il y avait là Bruno et son fils Théo, autorisés à y séjourner car Bruno est maître nageur à la piscine municipale pour la saison. Bruno nous a dit de nous installer, ouvert la barrière, les sanitaires, etc.

Bruno vit aux Sables d’Olonne et l’été, il quitte la foule pour travailler dans l’intérieur des terres.
Et puis à bord de son van, il chasse les vagues ici et là. Il me semble qu’il est prof aussi…

Je ne sais plus bien comment, on en est arrivés à parler de Polynésie Française (lui est né en métropole mais sa famille est tahitienne) et de va’a, les pirogues polynésiennes.

Il était tellement heureux que je connaisse que j’ai eu droit à cette belle histoire…

Avec un ami polynésien, ils ont créé un club et voulaient participer à la compétition reine à Tahiti (la Hawaiki Nui Va’a). Sauf que trouver de quoi financer rien que les billets d’avion (2 000 euros par bonhomme) relevait du fantasme…

Alors Bruno et son copain ont décidé de créer leur propre compétition, le Vendée Va’a, il y a plus de 10 ans. On leur a présenté quelqu’un à qui déléguer l’organisation et à un moment, il y a eu des désaccords. Lorsque l’organisateur invitait le président de la Polynésie, les élus locaux et de gros sponsors, Bruno craignait que l’esprit du va’a ne se perde.

Et puis, intéressée aussi, la compagnie aérienne tahitienne a proposé d’offrir les billets d’avion à la première équipe métropolitaine pour qu’elle puisse participer à la fameuse Hawaiki Nui Va’a.

Eh bien l’équipe de Bruno l’a emporté de 2 secondes. Tu imagines ? 2 se-con-des !!

Beaucoup d’années de travail, des doutes, un conflit… mais le rêve s’est réalisé et l’histoire est plus belle quand la route est longue.

Vainqueur du lever de pierre au Heiva i Tahiti 2016

Courage à Lionel et à tous ceux qui doivent accepter des détours sur leur chemin…

Lire aussi, dans le même esprit : Sun Trip, chance ou malchance

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7 réflexions sur “Le chemin le plus court…”

  1. Laprade Pierre

    Bonsoir Perrine
    Belle histoire que tu nous racontes là.
    Et oui les histoires humaines sont riches en émotion et les belles rencontres nous nourrissent

  2. BERMEJO Paul

    On ne peut pas dire que ce sont de belles histoires… Ce sont des histoires de vie, des vies avec leurs aléas, plus ou moins heureux, plus ou moins chanceux… Tout au long du chemin, le voyageur apprend de ces rencontres, de ces histoires de vie, Le voyageur trimballe aussi sa propre histoire de vie et, parfois, la comparer à celles des rencontres,, le voyageur en conclu que son sort est bien meilleur… Il n’est pas nécessaire d’aller loin pour découvrir les histoires de vie. Près de chez soi, les secrets de familles, les mauvais traitements, les misères cachées, les coups du sort sont là, à portée de salutations et de mains serrées…

  3. Des histoires de vie que nous, de passage, nous accueillons ou pas selon notre humanité, notre ouverture, notre fatigue, notre humilité…
    Elles sont parfois pesantes pour les personnes qui ont besoin de se décharger, de vider leurs sacs pleins de pierres. Accepter de leur enlever le sac à dos (ou une partie) pour qu’ils puissent le poser au bord de la route sans que le voyageur se sente lui obligé de le prendre à sa charge ce sac à dos…
    Merci Perrine et Nate

    1. Oui Benoît, tu as raison de dire que cela dépend beaucoup de notre état d’esprit, en particulier, du niveau de fatigue.
      Le voyageur doit aussi savoir refuser des invitations pour prendre le repos et le recul dont il a besoin.
      J’ai rencontré des voyageurs épuisés qui en avaient assez de toujours répondre aux mêmes questions, ou qui étaient lassés de devoir écouter leurs hôtes jusqu’à tard. Dans ces conditions, une pause s’impose mais c’est difficile à faire quand on voyage sans argent…

  4. Beautiful lives which you have touched and which have touched you. You have taken the time to meet and listen to their stories and both sides are richer for the experience. Thank you for sharing!

  5. Ping : Sun Trip : chance ou malchance ? -

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